Jet d'Ancre n°99 – septembre octobre 2013

L’ASPCM S’OUVRE A L’INTERNATIONAL  par Jean Joseph DEMOTIER

Aujourd’hui, vendredi, départ du Mans, pour une fois sans Jean-Jacques, déjà sur place à Perros avec d’autres équipiers. Nous nous relayons au volant avec Jean-Louis, malgré les annonces pessimistes de Bison Futé nous promettant une route encombrée. Il n’en fut rien et tout se passa comme une lettre à la poste si bien, qu’avec la précision d’un chrono suisse nous arrivons sur les pontons au moment où Emmanuelle et Benoît, les équipiers de la semaine précédente, débarquent leurs bagages.

La Suisse parlons-en. Les salutations d’usage faites, nous découvrons que l’équipier qui nous accompagnera cette semaine est Christian… un Suisse !

Cette première journée se termina au restaurant ce qui nous permet de faire plus ample connaissance.

Nous avions projeté qu’une semaine de navigation aurait été l’occasion de faire un tour à Guernesey. Les prévisions de Météo France nous en dissuaderons ; que du vent contraire, quand il y en a.

Samedi, départ pour Tréguier. Contrairement aux habitudes, au moteur en mer puis à la voile dans une grande partie du Jaudy. Les piquets des pontons ont été refaits mais pas la hauteur du quai qui à marée basse, nous oblige à une escalade plus du tout de nos âges.

Il fallait faire découvrir à Christian ce monument qu’est le ship de Tréguier. Il en est revenu enchanté. Dîner du soir, saucisses de Morteau et lentilles. Avant de faire notre rami vespéral,notre helvète en a profité pour préparer son petit déjeuner, le Bircher muesli (prononcez bircha musli, pour ne pas paraître ridicule). C’est un truc où sont mélangés, flocons d’avoine, lait, yaourt, fruits… enfin quelque chose qui ressemble plus a ce qu’on a plus l’habitude de renvoyer par dessus bord que d’avaler ! Le pire c’est que le lendemain, il a trouvé ça bon !

Dimanche. Initialement, il était prévu de partir vers Saint-Cast mais le vent facétieux nous a fait revoir nos desiderata à la baisse : ce sera Lézardrieux et au moteur. Cet itinéraire nous oblige à passer entre le sillon de Talbert et le phare des Héaux de Bréhat par la passe de la Gaine. Elle doit être étroite cette gaine car il nous faut passer entre 2 perches perdues au milieu de nulle part, le reste n’est que cailloux un peu partout, juste sous la surface. Un petit arrêt casse-croûte au mouillage de la Corderie, au niveau de l’isthme de Bréhat. Bien sûr, il se met à pleuvoir, nous essayerons bien les voiles mais rapidement il faudra se résigner au moteur. Nous ferons dans la facilité pour le dîner, spaghettis bolognaise.

Lundi, faute de Saint-Cast, nous changerons de saint, nous opterons pour Saint-Quay. Départ à la voile de Lézardrieux puis passage du Ferlas, tout aussi étroit que la Gaine de la veille et nous mangerons au pied de la maison de Liliane (Bettencourt). Menu : salade de tomates, rôti de porc et pommes de terre en robe des champs. Au moment de repartir nous apercevons au loin les vieux gréements quittant la fête des chants marins de Paimpol. La grande culture sur la marine en bois de notre skipper nous permet d’identifier l’Etoile du roi, la Marité et l’Etoile Molène. Le vent est enfin avec nous et nous pousse vers Saint-Quay-Portrieux sous génois tangonné et grand-voile avec retenue de bôme, histoire d’éviter les bosses sur nos crânes. Saint-Quay est l’exemple d’une marina efficace mais sans âme. Nous dînerons quand même de filets de poulet à la crème et semoule parfumée.

Durant le trajet, nous avons vu à la surface un aileron mou battant de gauche à droite. C’est un poisson lune, une bizarrerie de la nature, une bestiole sans nageoire caudale ni corps, en fait, juste une tête de poisson toute ronde avec une nageoire au dessus et une autre dessous. Nous en reverrons d’autres plus tard.

Mardi. Il y a longtemps que nous n’étions pas allés à Pontrieux, ce petit port en rivière au milieu des terres. Pour cela il nous faut retourner à Lézardrieux

Durant la remontée vers Bréhat, nous ferons une régate avec un Océanis 311, régate que nous gagnerons haut la main, les autres ne sachant pas que nous faisions la course !

A Bréhat, au niveau de la tourelle des Piliers, le vent est désordonné et nous fait tirer des bords carrés. Un repas en route sur la base d’une salade de riz et tomates et, en fonction des désirs de l’équipage, avec ou sans oignons, avec ou sans thon… un repas à la carte en pleine mer. Passage du Ferlas au moteur et arrivée à Lézardrieux pour un pot et une bonne douche. Dîner ratatouille améliorée et semoule.

Mercredi, aujourd’hui, finie l’eau salée, nous naviguons en rivière. Le Trieux est très envasé, et il faut jongler avec les horaires des marées pour arriver à l’écluse avec la marée haute. Nous partons donc avec le flux. Après le pont, nous traversons une étendue d’eau où se prélasse le Trieux. Il faut bien rester au centre, il y a très peu de fond. En clair, le barreur fera la croisière avec le nez dans le sondeur. Durant le voyage, nous ne croiserons aucun autre bateau ce qui nous permettra d’apercevoir plein d’oiseaux que je suis chargé d’identifier. Nous arrivons au pied de l’écluse un peu en avance, nous obligeant d’attendre sur une bouée que l’eau soit suffisamment haute pour le sas. Enfin, nous avons le feu vert de l’éclusier et nous entrons entre deux murs sombres couverts d’algues où nous attendent des pendilles. Heureusement que nous étions restés près de la porte d’entrée, les tuyaux de remplissage sont impressionnants, les remous aussi. Une fois remontés au soleil, nous pouvons prendre la partie canalisée du Trieux où une bande de canards nous coupe la priorité en nous envoie sur un bouchon de vase. L’utilisation astucieuse du lest mobile qu’est l’équipage, permettra au skipper la bonne manœuvre pour nous tirer de ce mauvais pas.

Une petite balade de découverte de ce port enchanteur, au déjeuner omelette améliorée, salade et ensuite sieste. Quelques courses dans l’après midi et la soirée se termine au resto.

Jeudi, la météo n’annonce rien de bien pour les jours suivants : s’il y a du vent ce sera de l’ouest… tout pour plaire. Nous irons donc à Ploumanac’h puisque vendredi, ce sera le retour et avec ces marées ridicules, le port de Perros ne restera pas ouvert très longtemps.

Le trajet Pontrieux - Ploumanac’h se fera au moteur, avec passage au large les faces cachées (nord) des Héaux de Bréhat et de Tomé. Le passage sur le seuil du port de Ploum se fera ric-rac, les crabes ont dû remettre les casques lourds quand je vous disais que les marées étaient ridicules. Le reste de la journée peut se résumer en une énorme bulle, même pas un petit tour à terre. Le soir, un voisin de mouillage, un anglais, nous propose de goûter le reste d’une bouteille d’un excellent whisky. Ce sera l’occasion qu’il vienne à bord et nous apprendrons qu’il est militaire de sa gracieuse majesté et qu’il adore la France. Morreder devient presque une annexe de l’ONU, trois nationalités à bord !

Vendredi, retour sur Perros. Quelques pluie entrecoupées d’averses, un petit tour au ras des 7 îles et grand nettoyage du bord une fois dans le port.

Samedi, la vie reprend son cours, Christian, notre Suisse, prend son train à 13 heures, les autres des vacances en famille… Bison Futé nous avait promis une journée noire, nous sommes passés avant les bouchons.

Malgré une météo peu coopérative, nous n’aurons pas vu Guernesey, mais nous aurons découvert que l’amitié entre les marins quelque soit leur nationalité, n’est pas un vain mot.